Syd Barrett - Barrett

Publié le par NedLabs

Sortie 1970


Syd Barrett est évidemment un monstre sacré. Eminence grise du Pink Floyd originel, cerveau avant-gardiste et détraqué d’un rock psyché-prog novateur, destin brisé dont on n’a jamais su s’il avait réellement fait fondre sa raison à force d’avoir été le cobaye de toutes les expérimentations narcotiques de son époque, où si, loin d’être le légume que l’on décrit, il avait simplement choisi de consacrer la fin de sa vie à ses passions du jardinage et de la peinture (la réponse se trouvant sans doutes un peu entre les deux propositions). Quoi qu’il en soit, à l’apogée de sa période lysergique, et avant de quitter définitivement la scène qu’il exècre, le maître Syd livra de manière chaotique un dernier album solo d’une qualité rare. Soutenu de bout en bout par un David Gilmour multi-instrumentiste inspiré (et peut-être un peu gêné de ravir la place de Barrett au sein du Floyd), Syd parviendra bon gré mal gré, entre février et juillet 1970 après moultes interruptions dues à la dégradation de son état psychologique, à réunir les 12 pépites qui ornent l’album Barrett. Celui-ci s’ouvre magistralement, arpège hindouisant se fondant dans une gamme de blues avant le décollage de "Baby Lemonade" et ses nappes de clavier foutraques, double voix et refrain pop aussi imparable qu’inquiétant. On embraye sur la comptine "Love Song" puis sur "Dominoes", avec sa conclusion Doorsienne en diable, et on comprend rapidement qu’écouter Barrett, c’est un peu comme aller prendre le thé chez sa grand-mère un dimanche après-midi, sous acide. Les mélodies volontiers enjouées ou kitsch contrastent avec les dissonances soudaines et la voix désabusée de Barrett, préfigurant souvent ce que sera le chant de Ian Curtis (l’atrabilaire "Rats"). Retour à un Blues roots presque tout en basse, et voix d’outre tombe sur le sinistre "Maisie", avant d’enchaîner sur la ligne de basse groovy de l’excellent "Gigolo Aunt" qui ne remonte qu’à moitié le moral. Le renfort du claviériste Richard Wright met également en valeur quelques titres, notamment "Wined & Dined", magnifique et tout en douceur. Syd fait sortir le tuba pour une dernière comptine dont le seul titre vaut son pesant de cacahuètes ("Effervescing Elephant"), et ça y est, on sort de cet album un peu groggy, comme après une sieste remplie de rêves étranges dont d’ailleurs on ne se souvient plus. On referme la pochette illustrée par Syd lui-même, fascination entomologique d'un esprit au bord du gouffre: c’est beau, c’est fou, c’est du grand Barrett.

Publié dans Albums incontournables

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N
Rraaaaah!!! J'entends tout le monde dire ça! "Pas du bon Barrett", "On sent trop l'influence de Gilmour", "Pas aussi abouti que Madcap Laughs". Perso, je n'ai pas (encore?) réussi à apprécier The Madcap Laughs, pour moi vraiment soporiphique, tandis que je trouve celui-ci beaucoup plus varié et bourré de petites perles... Enfin, tant mieux s'il y a débat, ça va me pousser à réécouter TML pour étayer... Merci de ton passage!Ned
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T
J'avoue que je préfère quand même de loin "The Madcap Laughs"...il y a de grandes chansons sur "Barrett" ("Dominoes", "Gigolo Aunt"...), mais ce n'est pas un grand disque. Ou alors alors un grand disque inachevé :-)
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