Earth - Hex; Or Printing In The Infernal Method
Aujourd’hui, apprenons à pourrir nos fêtes de fin d’années en compagnie de Earth… Eh oui, on sait ce que c’est, Noël approche, les rues se parent de guirlandes chatoyantes, les magasins ne désemplissent pas, partout des haut-parleurs diffusent des chansons de circonstance, pleines de grelots et de chœurs enfantins. Et vous, ça vous les brise violent tout ça. Alors, on ne saurait trop vous recommander en rentrant chez vous une petite dose de l’album Hex ; Or Printing in the Infernal Method, histoire de se relaxer dans ce rude contexte. Ce petit bijou paru en 2005 est en effet un concentré de noirceur anxiogène salvateur. Il faut dire qu’Earth a un sacré passif dans le domaine. Déjà OVNI au moment de sa formation en pleine explosion grunge, le groupe propulsait un espèce de Metal lourdissime, ralentissant les riffs jusqu’à ce qu’il n’en reste plus au final qu’un amas d’électricité compact et vrombissant – écouter leurs deux premiers opus jouissifs et déroutants parus chez Sub Pop. Au milieu de ces délires soniques, on trouvait quelques chansons assez fantastiques tant par leurs titres que musicalement ("Tibetan Quaaludes", "Teeth Of Lions Rule The Divine"…), avec une vilaine tendance et plonger l’auditeur dans un état de dépression profonde accompagnée de troubles paranoïaques. De la Downer Music, de la vraie. Rajoutez à ça que le cerveau du groupe, le riant Dylan Carlson est l’individu qui, selon la rumeur, a eu la bonne idée d’offrir un fusil à pompe à un Kurt Cobain qu’on imagine au sommet de sa forme morale début 1994, et vous pouvez vous imaginer à quoi peut ressembler la music de Earth. Bref, après quelques années d’errance, Carlson et ses sbires revinrent avec ce fantastique Hex (…), qui dégage toujours une ambiance aussi primesautière, et c’est peu de le dire. Comme à son habitude, Earth a opté pour le tout instrumental, mais a baissé la saturation et s’est emparé de quelques instruments traditionnels (banjo, trombone, percus…), plantant 45 minutes durant un décor de Western vaudou et complètement déglingué. Mais impossible de parler de ce disque sans mentionner aussi le livret qui l’accompagne et fait partie intégrante de l’œuvre : une dizaine de pages de photos sépia d’un autre siècle pour le moins angoissantes, portraits de personnages aux regards vides, paysages désolés, fosses communes… Plus qu’un disque, cet album est un objet maléfique, un de ces artefacts maudits et fascinants qu’il ne faut surtout pas posséder. C’est trois quart d’heure d’angoisse mal définie, de vague cauchemar, comme un vent glacial sur un sommet dégarni des Appalaches, et vous, vous êtes là, dans cette vieille baraque grinçante, mais si, vous savez, celle qui a été construite au dessus du vieux cimetière indien. Neuf titres trainants avec des moments de grâce absolue dans l’inquiétude ("The Felon Wind"). On ressort de cette expérience un peu sonné, on replace ce diamant noir dans son écrin que l’on cache dans un coin de sa discothèque, tremblant, sachant pertinemment qu’il reviendra nous hanter sous peu. Vous allez adorer les chants de Noël…