Sex Pistols - Never Mind The Bollocks
Il fallait y passer. Ouais. Mais en plus, en évitant de sombrer dans les lieux communs. Pas évident. Exercice périlleux que de parler de Never Mind the Bollocks sans écrire "manifeste du punk", "déflagration", "un des deux ou trois tous meilleurs disques de rock", enfin tous ces trucs aussi bateau que vains. Non. Plutôt que d’empiler les banalités élogieuses, attaquons-nous plutôt aux arguments habituels des détracteurs de ce petit chef d’œuvre. Les chronologistes pointilleux aiment à avancer que NMTB n’a rien d’un album fondateur du genre: précédés par les Ramones, grillés au finish par les Damned, les Pistols ne peuvent en effet revendiquer la primauté du punk. Mais le punk n’est-il pas en tous les cas né avec les Stooges quelques huit années auparavant ? Les esprits chagrins aiment à répéter que les Sex Pistols ne sont qu’une vaste opération marketing du cynique Malcolm McLaren, de la rébellion en tube, du punk pour midinettes, vendu à une major. Mais a-t-on seulement retrouvé trace de textes plus extrêmes, sales et méchants à cette époque ? Est-ce qu’un autre groupe a déjà dédié un titre aussi tendre que "Liar" à son manager ? Est-ce que les Clash ont osé beugler "CBS" sur leur premier album ? Les trotskystes de service, théoriciens de la rébellion devant l’éternel, aiment à reprocher aux Sex Pistols le flou idéologique de leur message (Genre "Camarade, tu as l’air aux prises avec les problèmes de ta génération, pourquoi n’as tu pas déjà pensé à t’engager politiquement ?"). Mais bon sang ! Le punk est justement le constat d’échec des idéologies et du militantisme, la simple exposition crue d’une génération qui s’ennuie et qui ne veut plus rêver car elle sait que ses rêves seront récupérés et galvaudés. Et aucun autre groupe à part peut-être les Buzzcocks n’exprime aussi bien et sans complaisance la vacuité de l’existence dans cette année poisseuse de 1977 ("Bodies", "God Save the Queen", "Pretty Vacant", "Anarchy in the UK"). Le punk, c’est l’égocentrisme crétin et le culte du vicelard ("Holidays in the Sun", "No Feelings", "Sub-Mission"). Les musicologues acharnés aiment à critiquer le faible raffinement de la musique de Never Mind the Bollocks. Pourtant, on ne remerciera jamais assez Steve Jones de nous avoir cisaillé ces riffs parmi les plus efficaces de l’histoire du Rock (again, "Pretty Vacant") avec un sens inouï du solo de 3 notes et 7 secondes qui dépote à mort (again, "Anarchy in the UK"). Enfin, les Sex Pistols en tant que tel ont eu l’élégance de disparaitre avant de devenir un groupe ringard, expérimental ou arty, le tout dans la discrétion (si on excepte les tribulations de l’hilarant Sid Vicious, qui, rappelons le, ne joue selon les plus optimistes que trois notes sur l’album, le bassiste originel étant Glen Matlock). Si vous n’êtes ni chagrin, ni trotskyste, ni obsessionnel, cet article n’avait donc aucun intérêt pour vous car vous êtes déjà acquis à la cause. Dans le cas contraire, Get Pissed !